C’est l’hiver

Moi, Vivaldi, je suis tombe dedans enfant, et je lui doit beaucoup, je veux dire, enormement. C’est grace a lui que j’ai decouvert Aicha Reddouane, par exemple. Aicha Reddouane interprete la musique arabe du 19eme siecle en reconstituant les techniques de chant et les orchestrations de cette epoque. Comme les orchestres que je suis depuis pres de 30 ans le font pour les musiques anciennes europeennes. Les « baroqueux » ont degraisse les orchestres, Aicha Reddouane aussi. Elle a travaille avec Jordi Savall et Montserra Figueras, d’ailleurs, tiens…


Ca y est, enfin, je suis (presque) en vacance. L’ecole est fermee jusqu’au 4 janvier, delivrance. Me restent mon groupe du lundi matin et celui du mardi matin.
Ce soir, j’ai fait un repas de Noel. Un peu en avance, mais ca n’a pas d’importance. C’est important, ici, de marquer un peu ce genre de fete, d’etre un peu avec vous, de me souvenir mon enfance, de marquer les vacances et de manger de bonnes choses qu’en temps habituel je ne mange plus. Des fromages (hors de prix), un gateau (hors de prix), du saumon…
Ah oui, du vin, aussi. Haut Medoc 1998 qu’une etudiante m’a offert. Un regal…

C’est l’hiver et ce matin j’ai eu envie d’ecouter l’hiver.
Vous le savez, Vivaldi est mon plus ancien amant, il m’accompagnera jusqu’a la fin de mes jours, je n’en doute pas une seconde. Et ce matin, j’ai eu envie de le retrouver. Pour beaucoup de gens, surtout quand ils aiment le « classique », Antonio Vivaldi est une sorte de compositeur pour les masses, pas tres interessant. Et puis si vous leur dites que vous avez ecoute les saisons, alors la vous passez dans la categorie des analphabetes ringards.
Desormais, quand je vois cette sorte de tete qui me prend visiblement pour une idiot, je ne note meme plus, je m’en fiche. Qu’ils crevent en ignorant les centaines de concertos et les dizaines d’opera de Vivaldi, qu’ils ignorent les autres concertos qui composent l’Opus 8 dont sont tirees les saisons, qu’ils ignorent que l’on avait oublie toute cette musique pendant 150 ans jusqu’a la decouverte d’une armoire dans les annees 1920, qu’ils se soient fourvoyes avec des interpretations pompeuses pour orchestre hypertrophies champions des belles sonorites et qu’ils aient ete incapables de se poser pour ecouter reellement cette musique, que m’importe.
Il y a ceux aussi qui ecoutent de la musique ancienne, et pour eux Vivaldi n’est pas assez pointu. Ils lui prefereront forcement quelque auteur recemment redecouvert, dans une interpretation d’un ensemble totalement inconnu.
La musique historique a cela en commun avec la litterature qu’elle est peuplee d’esthetes qui ne seront jamais ni musiciens, ni compositeurs.
Moi, Vivaldi, je suis tombe dedans enfant, et je lui doit beaucoup, je veux dire, enormement. C’est grace a lui que j’ai decouvert Aicha Reddouane, par exemple. Aicha Reddouane interprete la musique arabe du 19eme siecle en reconstituant les techniques de chant et les orchestrations de cette epoque. Comme les orchestres que je suis depuis pres de 30 ans le font pour les musiques anciennes europeennes. Les « baroqueux » ont degraisse les orchestres, Aicha Reddouane aussi. Elle a travaille avec Jordi Savall et Montserra Figueras, d’ailleurs, tiens…

Les quatre saison, donc, j’y revient toujours. C’est une oeuvre clef, et a son epoque, et au 20eme siecle. Tout le monde s’y est mis, c’est le « tube du classique », autant dire que les ensembles baroques se sont fait la guerre avec les saisons.
C’est Harnoncourt et le Consentus Musicus Wien qui s’y est colle en premier, en 1969. Je veux dire, sur instruments anciens. Ca sonne paysan, comme toujours avec Harnoncourt a cette epoque, mais c’est incroyablement juste au niveau des sonorites et des phrases.
Christopher Hoogwood a apporte une lecture anglaise, il ne manque qu’Emma Kirkby et Judith Nelson avec qui son Academy of Ancient Music a l’epoque exhumait Purcell.
Trevor Pinnock a reellement declare la guerre. Avec son English Concert, le decapage a permit d’economiser 10 minutes ! Et c’est ainsi qu’en 1985, pour la premiere fois depuis Vivaldi, l’orage est redevenu un orage. Je me souviendrai toujours le choc en ecoutant ca, c’est bien simple, j’ai voulu jeter le disque! Et puis en ecoutant, je pense avoir pleure de bonheur pendant une bonne moitie du disque… Punk, Trevor Pinnock!
Les orchestres baroques etaient tous anglais, allemand, neerlandais et meme francais ou espagnols, a cette epoque. Je me souviens, avec un amant, a cette epoque, je lui avait dit que le jour ou les italiens arriveraient enfin, ce serait une revolution, ca l’avait fait rire.
Et c’est arrive en 1992. Je me souviens tres bien la publicite dans Diapason soulignant qu’elles n’etaient pas Punk, mais Italiennes. Et qu’est ce que c’etait juste. La meme annee, la plus parfaite version, alliant les audaces de Pinnock en terme de tempo, les sonorites brutales et rustiques de Harnoncourt et ce quelque chose d’Italien, sortit a la fin de l’annee, et ca a longtemps ete ma version de chevet : Il Giardino Armonico. L’annee suivante, l’ensemble enregistra beaucoup d’autres concertos. Splendides.
Dans les annees 2000, le claveciniste Rinaldo Alessandrini, ou bien Andrea Marcon ont enregistre des versions absolument sublimes, chaque fois differentes. Alessandrini depouillant la musique a son minimum pour laisser en contrepartie des improvisations du solistes developper les melodies. Marcon offrant au violoniste Carminiola un orchestre sachant relever le defi d’une interpretation virtuose.
C’est que les ensembles baroques ne depasse jamais plus de 10 personnes mais semblent faire plus de bruit qu’a 50!

C’est pourtant Fabio Biondi qui remporte mes suffrages et que je vous inviterai a ecouter avec moi pour entrer dans l’hiver sur quelques photos de Kyoto prises il y a deux ans.
C’est que Biondi et son ensemble Europe Galante ont, entre 1992 et 2000 tourne dans toute l’Europe, et ainsi en 2000 ont reenregistre les saison, cette fois dans l’integrale du programme Il Cimento dell’armonia e dell’invenzione Opus 8. Le resultat est tres different de ce que l’orchestre avait enregistre en 1992. C’est moins « joli », tout en concervant une grace qui manquait a Il Giardino Armonico. En revanche, c’est incroyablement plus vivant, expressif, les sons sont souvent plus bruts, voire brutaux, et surtout, comble de l’audace, l’ensemble a declare une nouvelle guerre qui depuis s’est generalisee dans les jeunes ensembles baroques : ralentir les tempos, pour mieux faire sentir quand ils s’accelerent. Le resultat est que la musique est encore plus violente, plus expressive, et c’est exactement ce qu’est le baroque. Une musique de la violence des sentiments, une musique de passions.

Voici donc l’hiver. Je vous recopie ici la traduction francaise du poeme qui accompagne l’hiver. Bonne ecoute.

Allegro non molto
Trembler violemment dans la neige étincelante,
Au souffle rude d’un vent terrible,
Courir, taper des pieds à tout moment
Et, dans l’excessive froidure, claquer des dents;

Largo
Passer auprès du feu des jours calmes et contents,
Alors que la pluie, dehors, verse à torrents;

Allegro
Marcher sur la glace, à pas lents,
De peur de tomber, contourner,

Marcher bravement, tomber à terre,
Se relever sur la glace et courir vite
Avant que la glace se rompe et se disloque.

Sentir passer, à travers la porte ferrée,
Sirocco et Borée, et tous les Vents en guerre.
Ainsi est l’hiver, mais, tel qu’il est, il apporte ses joies.


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