Chômage, taux de chômage et démocratie

小石川植物園

Grand beau temps aujourd’hui. Le soleil est revenu samedi en soirée, après une journée glaciale et une matinée où est tombée un peu de neige fondue. Il fait 20° aujourd’hui, allez comprendre…
Grande absence sur ce blog. Mon travail me ruine le moral et me mange mon énergie. Et puis j’ai tout de même travaillé : je continue la rédaction de mon «récit» des cycles économiques depuis 1863 environ. Ça prend du temps: la rédaction n’est pas la partie la plus difficiles; c’est la recherche de statistiques en séries longues qui est plus problématique car l’INSEE ne met pas ses séries longues en libre accès sur internet. Pour être exact, l’INSEE appelle «série longue» les données statistiques remontant aux années 60, ce qui est vraiment très limitatif et mériterait d’être questionné; l’état a mis au point ses principaux outils dans la seconde moitié du 19e siècle, et les données récoltées devraient par conséquent être librement accessibles avec, si l’état y avait travaillé, les données corrigées des éventuelles imprécisions fournies en complément, et sans altération des données initialement publiées.

Statistiques : la démocratie commence par l’accès à l’information.
La démocratie repose sur le choix et les décisions prises par un peuple éclairé des enjeux. L’informatisation et le libre accès des données anciennes est un élément central du processus démocratique. Ces données sont d’ailleurs accessibles sur plusieurs sites aux USA, certaines remontant aux années 1830/1840; elles sont alors fragmentaires, incomplètes (par exemple le prix constaté pour une balle de coton sur un marché en particulier dans une ville donnée pour une certaine durée), mais n’en fournissent pas moins des informations utiles à l’historien.
Ce qui est grave dans le cas de l’INSEE, c’est que c’est un organisme publique.
Il me vient souvent cette idée que les Américains sont mal éduqués scolairement dans leur majorité afin ne pas utiliser les outils de leur remarquable démocratie. Et que l’on nourrit les rigidités et les zones d’ombre dans la «pseudo» démocratie française pour faire contrepoids au niveau d’éducation relativement élevé de ses concitoyens.
Avec le mirage de la consommation dans les deux sociétés pour nous divertir des choses importantes.

La manipulation commence par l’oubli d’un passé récent, différent.
Ainsi, un regard sur la courbe du chômage est, en France, très éloquent. 1,3 % de la population active en 1961, sans stage ni CES ni RMI ni préretraite pour nettoyer le taux : qui se souvient que ce qu’on appelle «plein emploi», c’est un taux inférieur à 2% ? À cette époque, avec un tel taux, il était facile de «ralentir» l’économie : on passait ainsi de 0,8% à 1,6%; et quand le chômage atteignait 2%, on «relançait» un peu. On a fait ainsi avec succès, en France, jusqu’en 1965 avec le spectre de l’inflation, sans cesse en embuscade après avoir fait de mauvais choix en 1944. En Allemagne, où l’inflation a été combattue dès 1945, on a réussi à réguler jusqu’en 1979. Présenter le chômage comme une fatalité relève donc purement d’un choix politique et, avouons-le, d’un consensus social. Et présenter un taux inférieur à 5% comme le plein-emploi relève du choix idéologique du monétarisme. Et exclure de ce taux les plus de 55 ans, le bénéficiaires du RMI et celles et ceux qui ont accepté un travail quelques jours relève purement et simplement du mensonge et de la manipulation.
Une des raisons du mal être de la société française vient de ce décalage grandissant entre la réalité présentée et débattue, et la réalité vécue au jour le jour. Quand en 1990, en 1999 ou en 2007 les journalistes et les politiques parlaient de «plein-emploi», du plein emploi de qui parlaient-ils? Et de quel pays? Tous les discours sur «l’amélioration» de l’économie se heurtent à une réalité très simple: personne ne voit rien venir. Nos politiques devraient commencer par utiliser de vrais chiffres afin d’éclairer les choix. Il y a en France, en additionnant les catégories A (à la recherche d’un emploi et disponibles, cherchant activement), B (à la recherche d’un emploi et disponible mais ayant travaillé moins de 72 heures dans le mois) et C (à la recherche d’un emploi et disponibles mais ayant occupé une activité – stage, formation), environ 4,3 millions de chômeurs en 2009. Il y a en France 25 millions d’actifs, on a donc un taux réel plus proche de 18% de chômeurs…
Mieux, la dernière «révision» des taux de chômage en 2003 a été faite dans des conditions telle que l’INSEE les «redresse» afin de limiter les aberrations statistiques de plus en plus flagrantes depuis 2004. Une commission étudie en ce moment une révision de la révision. Ce qui est clair en tout cas, c’est que le taux de chômage calculé selon la formule valable jusqu’en 2003 donnait 1 point de chômage de plus en 2005. Et la révision Juppé de 1996 a fait baisser le taux de 12,1% à 10,5%… Quand les associations parlent de baisse statistiques, elles n’ont pas tort. Délivrer des séries longues a pour but de mettre en évidence la réalité d’un fait. Elles sont, hélas, inaccessibles, et les forums abondent en protestations à ce sujet.
Je n’ai rien contre, et je trouve même bien, que l’on affine des définitions et que l’éventail statistique permette de donner un portrait précis de la société. Ce qui est anormal, c’est qu’une définition chasse l’autre, que l’INSEE rende facilement accessibles ses séries «corrigées» et inaccessibles les séries originales. Ce sont ces séries qui ont permis au gouvernement de crier victoire en 2007: le chômage était, statistiquement, revenu à son niveau de 1981 -année Ô combien symbolique pour les conservateurs français. Or, en 1981, il n’y avait pas les RMistes, les préretraités étaient 10 fois moins nombreux et le taux incluait les intérimaires, les temps partiels, les stagiaires: les 7% étaient proches d’un 9% réel. Nos 18% réels d’aujourd’hui représentent un doublement du chômage, que les politiques et les statistiques nient autant qu’ils le peuvent, mais que les français, à travers cet état d’esprit morose et cette agressivité qui ne les quittent pas, ressentent au quotidien : enfant qui ne trouve pas d’emploi, multiplie les stages et les emplois précaires; père et/ ou mère de famille qui perd son emploi et n’en retrouve un que déclassé, précaire et alternant avec des périodes de chômage et de stages, ruinant sa vie familiale; adulte de plus de 50 ans à qui on répète en permanence qu’il n’a pas les qualifications, même s’il les a, façon à peine déguisée de lui dire qu’il est trop vieux. On connaît tous des êtres déclassés qui contredisent la version officielle d’une amélioration.

Un déficit démocratique patent caché par le discours «Républicain».
Il y a de quoi être estomaqué par un pays cumulant un tel handicap sociétal, le chômage, mettant autant d’acharnement à nier la réalité du phénomène, et dont les organismes statistiques publics ne rendent pas la très grande variété des chiffres accessibles à travers des bases de données comme celles qui existent aux États-Unis, accessibles aisément à distance. On paie des impôts, pour cela. Ces données nous appartiennent.
Je suis parvenu à trouver pas mal de données. Par l’INSEE bien entendu, mais également l’OCDE et… La Bibliothèque du Congrès US et divers organismes gouvernementaux qui compilent des données économiques internationales avec beaucoup plus de rigueur et de transparence que notre «République».
La France est bel et bien une République. Le pouvoir y est désigné par le peuple, au sein du peuple. Mais elle n’est définitivement pas une Démocratie, car ce même pouvoir est confisqué par des oligarchies qui gardent jalousement le pouvoir et son corollaire, l’information. Les USA sont une démocratie. Mais ils sont aussi une économie capitaliste, et que le capitalisme, avec ses inégalités et sa course de chacun contre tous, ce Far-West de la propriété physique -une maison, une voiture, un magasin, une «affaire»- ou financière -une assurance, des actions, un crédit-, fait très mauvais ménage avec l’intérêt général, l’égalité et la vertu du peuple posée en condition par Montesquieu pour éviter le stade de dégénérescence de la Démocratie (la Démagogie), prélude à son anéantissement (la Dictature). Mais il n’en demeure pas moins que les États-Unis sont, institutionnellement, un modèle de démocratie, et donc, de communisme. La sphère de l’état y est très strictement délimitée par des principes jugés fondamentaux, les droits des individus y sont la base, le soucis d’égalité et l’exigence de liberté y sont poussés à l’ultime. Il y a juste que les profondes inégalités sociales minent cette structure institutionnelle parfaite… ce qui nuit au bon fonctionnement des institutions.
Donc, aux USA, les informations sont là, partout, et depuis des années accessibles sur la toile. Ce n’est pas le cas de la France «Laïque et Républicaine».
Je cherche et je trouve tout de même, et c’est l’essentiel.

Regarder le passé pour y trouver quelques traces de l’avenir proche.
Vous pourrez bientôt accéder à ces pages où je tente de mêler, dans un très difficile aller retour, économie et culture. Juste histoire de développer mon idée que nous sommes toujours dans un cycle économique «de prospérité», que la capitalisme se porte très bien, et que cela va encore durer environ 3 ou quatre ans. Qu’ensuite, ça n’ira pas si bien, mais qu’on trouvera le moyen de faire durer encore une dizaine d’année, et puis que vers 2025, la «forme» deviendra de plus en plus instable face aux déséquilibres accumulés et aux limitations du mode de développement mis en place dans les années 80 et ayant accompagné cette onde longue de «prospérité» dans laquelle nous sommes. Le but ? En bon marxiste de base, résolument converti à la démocratie, j’entends vous convaincre que le plus important sera d’être prêt à ce moment là pour réussir ce que Roosevelt avait réussi, reformuler le contrat qui nous uni, et faire échouer ce qui se présentera comme une solution: la dernière fois, ce fut Reagan et Thatcher. Il faut aussi savoir que selon moi, la crise que nous traverseront sera la crise la plus violente que l’humanité aura eu à traverser car ce sera 1929, mais à l’échelle mondiale. Vous pouvez dire que je délire, mais c’est en regardant le monde comme je le fais que je n’ai pas cru une seule seconde que tout allait s’écrouler. Et je maintiens ce que j’ai dit sur ce blog à maintes reprises : dans une phase de prospérité, le modèle se suffit et s’auto-alimente. En revanche s’accumulent les déséquilibres de la période suivante. Pour ce qui nous concerne, pic énergétique, vieillissement, pénurie de main d’oeuvre, dettes publiques et crédits dérivés généralisés au niveau individuel (ça n’existe pas encore, mais je suis persuadé que ça va sortir d’ici moins de 5 ans), concurrence exacerbée entre les nouveaux grands (Google, Apple, Microsoft), enchérissant les coûts de la recherche et du dépeloppement: beaucoup de concentrations dans les 15 prochaines années dans les entreprises liées à l’informatique et les communication, avec la mort quasi-certaine de la télévision au bout de ce processus. J’arrête ici. Je développerais au fur et à mesure à travers l’étude des précédents cycles. En attendant, j’épluche des données, reconstitue des séries longues, sélectionne les vidéos, les photos qui illustrent ces «ruptures» ou ces permanences.
Passionnant.


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