Le silence

L


DĂ©but aoĂ»t, j’ai retirĂ© les applications Facebook et Messenger de mon tĂ©lĂ©phone, je pense que d’autres vont suivre. J’ai mis fin Ă  cette course Ă  la dilatation de la distance et du temps qui m’emprisonnait comme elle emprisonne chacun d’entre nous dĂ©sormais. Ce matin, pour voir, je me suis connectĂ© Ă  Facebook pour la deuxiĂšme fois depuis. La premiĂšre fois, il y avait des dizaines et des dizaines de notifications. Je pensais que m’étant Ă©loignĂ© cette fois-ci serait diffĂ©rente, et je me trompais. « 111 notifications Â». Des groupes, des suggestions d’amis, des commentaires

ParallĂšlement, avant de supprimer les applications, j’ai postĂ© ce message,

« Vous lisez mon dernier message Ă©crit Ă  l’aide de l’application Facebook pour iPhone. AprĂšs l’avoir Ă©crit, je vais effacer l’application de mon tĂ©lĂ©phone.
Je vais Ă©galement retirer l’application de gestion de Pages, devenue au fil des ans la « suite business ». Sur ce point Facebook a raison: tout le temps que nous passons sur ce rĂ©seau gĂ©nĂšre des milliards quand pour nous il s’agit d’une perte de temps et donc d’argent colossale, sans parler du syndrome de Babel qui fait que nous nous retrouvons cloisonnĂ©s et incapables de nous parler Ă  force de tourner en rond dans le bocal narcissique de notre addiction Ă  nous-mĂȘmes.
Je vais enfin effacer Ă©galement l’application Messenger que je n’utilise pas ou trĂšs peu.
Je continuerai bien sĂ»r Ă  visiter Facebook, mais uniquement Ă  partir de mon ordinateur, c’est Ă  dire de façon ponctuelle, volontaire et non addictive. Vous pouvez Ă©galement me contacter sur Messenger et visiter ma page.
De toute façon, au fil des ans j’ai constatĂ© une baisse de frĂ©quentation de mon site, quand on a « 1500 amis » et qu’on plafonne Ă  50 lecteurs par jour lors de nouvelles publications, soit j’écris de la merde, soit je ne vous intĂ©resse pas en dehors de Facebook, ou les deux, ou alors Facebook vous empĂȘche inconsciemment de prendre le temps d’aller sur mon site malgrĂ© les partages rĂ©guliers bref, je n’attends plus rien ici, j’y perds mon temps.
Prochaine Ă©tape, Instagram. J’y ai partagĂ© plus de 6000 photographies. Et finalement mĂȘme chose, peu de retours et peu d’abonnĂšses malgrĂ© mes « 1500 amises » sur Facebook.
En fait, c’est un peu comme quand je militais. Mon pĂšre me l’avait dit, d’ailleurs. Je perdais mon temps pour les autres pendant qu’élis faisaient leurs Ă©tudes, nourrissaient leurs rĂ©seaux. Moi, je distribuais des tracts et je collais des affiches. Faut ĂȘtre con, hein

Bref, passĂ©e la publication de ce message, j’efface.
Je reviendrai une fois par jour ou peut-ĂȘtre moins. Vous pouvez toujours me joindre sur Messenger si vous voulez.
Je ne m’inquiùte pas, je ne vous manquerai pas.
Et si je vous manque, vous pouvez toujours faire l’effort de venir chez moi, sur mon site. Â»

Et je ne me suis pas trompĂ©. Il n’y a eu aucune hausse de frĂ©quentation de ce site, ni par article, ni en abonnements. Quand on a 1500 « amises Â», une telle indiffĂ©rence est assez rĂ©vĂ©latrice du vide des rĂ©seaux sociaux.
Le manque s’est manifestĂ© parfois, et puis le sevrage est passĂ©, la drogue n’opĂšre plus. Je comprends les gamins qui n’y vont plus depuis des annĂ©es, ces rĂ©seaux sont « prise de tĂȘte Â».
Dans une trĂšs intĂ©ressante interview sur Blast, Samuel Laurent, journaliste au Monde, raconte l’apprĂ©hension qu’il avait Ă  se connecter chaque jour sur Twitter. Jusqu’à ce que les espĂšces de guerres qu’il y livrait et qu’il subissait ne touchent sa compagne et avant qu’elles ne l’atteignent lui. Et ainsi sa dĂ©cision de quitter Twitter, un « petit monde » coupĂ© du monde.
Combien de fois je l’ai eu, cette boule au ventre, aprĂšs avoir laissĂ© un commentaire ou publiĂ© quelque chose sur mon mur, ou pire, avant de renoncer Ă  publier quelque chose. Ce ne sont pas les individuses qui sont responsables, c’est l’outil lui-mĂȘme. Quand on commente, on Ă©crit souvent en vitesse, Ă  chaud, exactement comme on parlerait. Les autres, Ă©lis, recevront ce commentaire Ă  froid, hors contexte, se sentiront agressĂ©ses, contreditses. C’est tout le problĂšme de l’écrit instantanĂ©.
Dans une lettre, on dĂ©veloppait sa pensĂ©e, on ne rĂ©pondait pas entre le dessert et le cafĂ©, on prenait le temps de s’assoir, de raturer. De penser. Les rĂ©seaux sociaux ont aboli tout cela. Alors c’est la guerre, ou c’est la bulle, un univers clos oĂč n’existent que cĂ©lis avec lesquelleses on est d’accord.
Un univers toxique, improductif, oĂč au hasard on fait de belles rencontres que rapidement l’algorithme s’évertuera Ă  ensevelir dans le flot insipide de ses Ă©quations.

Je quitte Babel, ravi.

J’aimerais retrouver le contact charnel de la lettre ou celui plus moderne de l’email, la longue conversation. Je suis face Ă  cette page blanche que je n’ai pas retrouvĂ© depuis un moment, il n’y a pas de musique, dehors le soleil rĂ©apparait – nous avons eu un Ă©tĂ© Ă©pouvantable.
J’ai besoin de ce silence, et les rĂ©seaux sociaux sont une caisse de rĂ©sonance de toute la dĂ©bilitĂ© du monde dont il me faut totalement repenser l’utilisation.
J’ai besoin de silence autours de moi et en moi, ou pour ĂȘtre plus exact, j’ai besoin de me vider du brouhaha inutile. Tous ces rĂ©seaux sociaux sont autant de pollution que la tĂ©lĂ©vision constamment allumĂ©e. Je suis content d’avoir dĂ©branchĂ©. Ma dĂ©cision n’est pas aussi radicale que l’est celle de PacĂŽme Thiellement, qui, lui, quitte dĂ©finitivement les rĂ©seaux sociaux.
Ou peut-ĂȘtre est-ce moi qui suis plus radical. Je ne quitte pas Facebook ni les rĂ©seaux sociaux, je les laisse pourrir, je ne m’en servirai que pour partager ce que je publie ici. Une publicitĂ© gratuite, en quelque sorte. Mais qu’on ne compte plus sur moi pour commenter, je crois que ce temps est rĂ©volu. Je vais louper beaucoup de choses, des « amitiĂ©s » nouvelles. Mais je retrouve le silence, le grand silence d’avant.
C’est au passage beaucoup plus risquĂ© pour moi, je ne suis pas connu du tout, mais ça ne sert Ă  rien d’ĂȘtre « visible Â» si la notoriĂ©tĂ© n’est qu’un objet de pacotille. Facebook me donne le sentiment de n’ĂȘtre qu’un « fraud Â», un usurpateur.

Vous serez environ 50 Ă  lire ce billet, qu’importe. Tout le temps qui se libĂšre Ă  ne plus ĂȘtre perdu Ă  parcourir, Ă  lire en diagonale, Ă  commenter, Ă  tchatter sur un rĂ©seau social dont les algorithmes biaiseront mon existence, tout ce temps retourne au silence, et du silence retourne Ă  moi. Et en rĂ©alitĂ©, avec un maximum de 50 lectures par articles rĂ©cemment, je me demande mĂȘme si je ne devrais pas renoncer Ă  un partage sur les rĂ©seaux sociaux. Je suis d’ores et dĂ©jĂ  retournĂ© Ă  l’anonymat du net, Ă  la mort sociale de l’internet
 Je me suis noyĂ© dans les rĂ©seaux, j’en suis mort. C’est fini.

Oui, tiens, laisser pourrir ces rĂ©seaux sociaux…

Commentaires

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  • Salut Madjid je fais une petite visite et elle commence par ce texte. Ecrire Ă  l’ordi oui. LĂ  je lis couchĂ© en insomnie. Pas envie d’allumer l’ordi. Devant il y a l’administratif, bureau jonchĂ© dd dĂ©clarations et virements Ă  programmer au cycle incertain des rentrĂ©es de trĂ©sorerie. L’ordi c’est la banque. Pas que. Le bureau Ă  la maison c’est quand la femme et l’enfant et le recrutement du batteur sont Ă©vacuĂ©s. QuĂȘte qui m’a fait rĂ©trograder d’insta Ăą fbk puis Ă  zikinf le plus pro puis Ă  sounclound devenu proactif une fois que j’ai eu Ă©coutĂ© les belles prises de son d’un prof de batterie validĂ© par tĂ©lĂ©phone. Et j’ai retrouvĂ© sur mon souncloud des moments et des personnes avec qui je ne joue plus. La musique entre amateurs et pros c’est des ruptures diffĂ©rentes. Bon c’est dit, je quitte mon clavier monopouce.

  • Salut Madjid je fais une petite visite et elle commence par ce texte. Ecrire Ă  l’ordi oui. LĂ  je lis couchĂ© en insomnie. Pas envie d’allumer l’ordi. Devant il y a l’administratif, bureau jonchĂ© dd dĂ©clarations et virements Ă  programmer au cycle incertain des rentrĂ©es de trĂ©sorerie. L’ordi c’est la banque. Pas que. Le bureau Ă  la maison c’est quand la femme et l’enfant et le recrutement du batteur sont Ă©vacuĂ©s. QuĂȘte qui m’a fait rĂ©trograder d’insta Ăą fbk puis Ă  zikinf le plus pro puis Ă  sounclound devenu proactif une fois que j’ai eu Ă©coutĂ© les belles prises de son d’un prof de batterie validĂ© par tĂ©lĂ©phone. Et j’ai retrouvĂ© sur mon souncloud des moments et des personnes avec qui je ne joue plus. La musique entre amateurs et pros c’est des ruptures diffĂ©rentes. Bon c’est dit, je quitte mon clavier monopouce.

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