à zéro (1): la feuille grise

Ce n’est pas clair, ce que je vous dis là, peut-être, mais je pense que l’écriture est, pour moi, un monde réel, un autre univers…

Ce blog a 15 ans…

La feuille est blanche. C’est une expression, car en réalité, non, la feuille n’est pas blanche. J’utilise un logiciel appelé Ulysses et j’ai grisé la page, c’est beaucoup plus doux, les caractères s’y détachent, en blanc. Mais il n’en demeure pas moi que oui, la page est blanche, et que je sèche.
Parfois, je force et les mots viennent dans un sens que je n’attendais pas. Je vais parler d’un sujet d’actualité, donner mon point de vue, partager mes idées, et c’est bien. Mais ce n’est plus ce dont j’ai envie ici. Si j’ai envie de partager une analyse, à l’avenir, je vais créer un espace dédié mais hors du blog, car ici, c’est l’écriture elle même que j’explore. Je veux dire par là qu’ici je veux parler de choses qui me concernent. Je veux parler de moi.
Il y a un avenir dans le blog, contrairement à ce qu’en disent les Oracles. Il y a un avenir, mais désormais il va falloir payer, comme je vous le disais il y a quelques semaines, à moins de se contenter des plateformes gratuites avec leurs limitations, à commencer par celle du média lui-même: l’écriture.
Moi, je paie assez cher mais finalement je peux partager ce que bon me semble, comme bon me semble. Écriture, photographie, dessins, vidéos, et pour l’écriture, cela peut être aussi bien du blog (et donc un journal) que des poésies, des nouvelles voire, pourquoi pas, un roman entier. Je ne veux pas faire de publicité pour WordPress, mais cela reste à l’heure actuelle la meilleur option quand on veut une surface de travail quasi-illimité.
Ici, c’est chez moi et je m’y installe avec aisance. J’ai devant moi la feuille grise sur laquelle se détachent les quelques lignes qui précèdent, et en écrivant, j’ai envie de partager des dessins: il fut un temps où je dessinais beaucoup, vraiment beaucoup.
Pour la politique, je veux en revenir à la substance, à l’essence, et en retirer toute l’enveloppe. Quand je regarde comment on perd son temps à commenter le quotidien, quel gâchis. Un sujet chasse l’autre, rien n’est finalement réellement traité et voilà qu’untel qui hier fustigeait la présence américaine en Afghanistan panique à l’unisson médiatique devant le retrait en oubliant que la vraie question était, et reste la même: qu’allaient-ils y faire? La réduction de la politique au débit quotidien de l’actualité est certainement le caractère le plus dramatique de notre époque. « Toutes de concierges », disait Léo Ferré. Comme c’est juste.

La feuille s’est remplie.

Alors j’y retourne, à ma feuille. Je vous l’ai laissé entendre hier, il y en a, des sujets. Ces regrets, cette nostalgie, ces idées, ces pensées qui se bousculent en moi sont autant de sujets et de projets qui se sont nourris et que je ne peux plus garder.
Et pourtant, que tout ce fatras m’effleure comme je le sens maintenant, et il n’y a plus qu’un blanc, qu’une appréhension, non pas de dire, mais de transformer. C’est peut-être là aussi que je sens en moi cette maturité dont je vous parlais hier. Je ne veux pas m’épancher, regretter pour faire pleurer dans les chaumières, pauvre Madjid, pauvre de moi. Mes regrets ne sont pas de cette nature. Mes regrets sont les regrets d’un homme mûr qui sait que le plus gros de sa vie est derrière lui, mais en qui il reste une chance, celle de vivre par son écriture les sensations qui le nourrissent.
Ce n’est pas clair, ce que je vous dis là, peut-être, mais je pense que l’écriture est, pour moi, un monde réel, un autre univers, et si dans cet autre univers je rencontre l’homme de ma vie, alors qu’importe si ce n’est que sur du papier car moi, j’aurai véritablement fait l’expérience de cette rencontre.
Quand Michel Berger écrit Message Personnel, il ne sait pas qu’il écrit l’une des plus belles chansons d’amour française, non. Il y cache l’amour, celui, blessé, meurtri et déçu à jamais, qu’il a pour Véronique Samson. Elle est partie et elle n’est pas revenue, sans explication, comme ça, et le vide s’est installé, les mots qu’on ne peut pas dire et qui se bousculent, qui font mal et qui se tapent contre le silence, jamais, jamais il n’y aura de réponse. Tout au coeur de se désespoir insondable, Michel Berger inscrit son ultime espoir, « et si un jour tu crois que tu m’aime », ces mots de l’amoureux blessé, qui sait que ce ne sont plus que des mots, mais qui l’aident à vivre dans son néant, dans sa solitude amoureuse.
C’est peut-être pour cela qu’elle est belle, cette chanson. Jacques Brel a lui aussi écrit la même chanson, il l’a écrite autrement, avec ses mots, Ne me quitte pas. Brel en a fait une tragédie. Là où Berger se rattache à un espoir timide que l’autre saura écouter ses mots, Brel avoue que sa vie ne pourra continuer, la mort plane tout le long de la chanson sans qu’il ne le dise, elle est dans cette folie qui monte, cette folie délirante, ces promesses impossibles qui semblent buter sur le silence de l’autre. On sort de cette écoute épuisé, meurtri, la vie n’a plus aucun sens, il ne reste que la mort.

Jamais, jamais quand j’avais vingt ans je n’aurais pensé un jour écrire quelques lignes sur une chanson de Brel, et voilà qu’au fil des ans j’ai appris à écouter les mots, et plus encore à ressentir les sentiments.

La langue française possède un charme particulier, je ne sais trop si ce sont ses sonorités anguleuses, ces « r » fracassants qui effraient la plupart des japonais, ou cette grammaire incroyablement précise, fascinante et que pour rien au monde je ne voudrais qu’on simplifie. Je travaille à ma propre grammaire-orthographe « inclusive », un travail qui ne peut être laissé à des militants mais qui doit être pris en charge par celles et ceux (cellis) qui écrivent des romans, des poésies, pour y insuffler le souffle de la lecture, des prononciations chantantes.
Ce long texte n’est pas écrit selon ces règles, il faut m’en excuser. Il m’est arrivé récemment de les incorporer mais aujourd’hui je veux me contenter d’écrire. Cela étant dit, je suis arrivé à des solutions incroyablement simples qui respectent les règles d’accords du participe passé, l’existence de pronoms ou de pluriels des adjectifs tout en aboutissant à des prononciations relativement chantantes, un peu rondes, adoucies.
Un exemple?
« Ils sont partis en voyage avec des amis que je n’ai jamais rencontrés, ceux avec qui ils allaient à l’école primaire. »
Problème: il n’y a pas que des hommes (cis).
Solution: « Ellis sont partises en voyage avec des amises que je n’ai jamais rencontréses, cellis avec qui ellis allaient à l’école primaire. »
J’aime assez bien, cela donne une prononciation assez « médiévale » et assez chantante, mais comme cela n’est pas définitif, je préfère ne pas trop l’utiliser.
Je n’aime pas « celleux », à la sonorité extrêmement brutale. Je n’aime pas « iel » pour la même raison. Cela étant, ce sont des sonorités extrêmement françaises, très « pointues », rugueuses. Je leur préfère mes rondeurs qui fleurent bon l’ancien français.

Vous vous demandez où tout cela va me mener. Patience, je reprends mes aises.
Je continue dans un article séparé que vous pourrez éviter si le sujet vous ennuie: je vous y explique ce que c’est, qu’un site internet, je veux dire le travail que cela demande et qui n’a rien à voir avec le travail d’écriture…
C’est très intéressant, je vous assure, et cela explique une petite partie de ma relation avec ce site mais également certains de mes projets le concernant.


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