Pour Didier Lestrade

Pour Didier Lestrade
Didier Lestrade, décembre 2013

Explication de twit et petit cours de sémantique à l’usage d’un peuple alpha-bête-isé.

L’objet du délit, ce tweet: « C’est quand même drôle. Ceux qui défendent Weinstein (comme DSK avant) ont l’air d’avoir des affinités sionistes » suivi d’un emoji pensif. 

Explication de tweet et petit cours de sémantique à l’usage d’un peuple alpha-bête-isé.

Les chiens sont lâchés, trop heureux de tirer leur proie, depuis le temps qu’ils l’attendaient, la curée, eh bien, la voilà! Au bûcher, Didier!

Ils devaient être tous tapis, prêts à bondir, les aigris, les rabougris, les losers, les réactionnaires, les jaloux, les fachos, et derrière eux la meute des réseaux sociaux, tous ces spécialistes de la lecture en diagonale et des commentaires en trois mots, les trolls à avec leur conscience à la mode, prêts à s’indigner aujourd’hui sur ce qu’ils adulaient hier avant leur prochain virage à 180 degrés ou leurs photos de chats, qu’importe, l’important est d’être dans le move.

Ça en fait, du monde qui lui est tombé dessus, sur le Did’… Je l’imagine, après avoir du parcourir la France en long et en large, avoir retrouvé les plateaux de télévision après une trop longue absence, après une adulation un peu irrationnelle due au succès (expiatoire pour pas mal de monde, hein…) du film, là, se prendre une taule en pleine figure, ça doit faire très mal, il doit y avoir la solitude, très forte, un sentiment de vertige peuplé des visages de ceux qui s’en sont allés et pour lequel toute son énergie aura été vaine pour les faire vivre. Combattre, pour Didier, c’est vivre, mais c’est aussi, et surtout, faire vivre l’autre. Son frère.
Didier, c’est Genet et Beauvoir à la fois, en un peu folle et avec une barbe, en plus grand et en plus beau, mais ça, tu le vois pas, t’attendras qu’il crève pour lui rendre cet hommage après l’avoir traité comme une merde en le roulant dans la boue.

Alors qu’il était dans l’un de ces interminables déplacements ininterrompus qui ont suivi la sortie du film 120 battements par minute, Didier a twitté. Didier a eu son « moment Sonia Nour », ses doigts ont réduit sa pensée en quelques mots qui quand on les relit sont quand même un peu débiles, avouons-le, comme 99% des twitts, mais ne méritaient pas, à aucun moment, la curée et l’avalanche de dégueuli. T’y as participé? Good for you, and go the fuck out of here! Va plutôt vérifier les twits, le Snapchat ©  et le compte Tumblr © de ta progéniture et de tes proches…

Retour sur le « moment » Sonia Nour d’abord.

L’élue PCF de La Courneuve suspendue depuis, a écrit après le crime de la gare Saint-Charles à Marseille

« Quand un martyr égorge une femme et poignarde une autre, là, ça fait du bruit. Terrorisme, du sang, civilisation Bla Bla Bla.. Par contre que le terrorisme patriarcal nous tue tous les deux jours on l’entend moins votre grande gueule ».

Il faudra un jour expliquer que non, vraiment, aucune pensée complexe ne peut se réduire au format crétinisant de Twitter ©. Et j’avoue qu’à la relecture de ce twitt alors que je le recopie, je constate qu’elle a devancé d’une semaine le scandale Weinstein, à savoir, les violences physiques, morales et sexuelles dont les femmes sont victimes, qui les meurtrissent, qui les blessent, et qui les tuent souvent dans le silence complice de nos société.

Parmi les chiens et sa meute qui se sont lâchés contre elle, contre Didier, combien ont vu une femme humiliée par un collègue ou un mari, la main au cul, la promotion sans cesse repoussée, les avances insistantes, l’oeil au beurre-noir récurrent, « je me suis tapée dans la porte ».

Oui, écrire « martyr » sans guillemets, des guillemets qui auraient relativisé le mot, lui auraient donné son caractère de revendication de débile décérébré, lui auraient donné cette espèce de visite dans la pensée d’un criminel qui se prend pour un héros, c’est crétin, c’est toute l’essence de Twitter ©. C’est d’autant plus crétin qu’elle s’appelle Sonia Nour et qu’elle est bien payée pour savoir qu’on ne la loupera pas, car en réalité, quand Le Point, Marianne, L’Express ou le 20 heures de TF1 parlent de « martyr » sans jamais utiliser de guillemets, les chiens ne trouvent rien à redire, ils savent que le discours sera parfaitement consensuel, c’est à dire à charge contre les musulmans, les femmes voilées, les boucheries Halal et le « communautarisme ».

Mais lisez-le bien, le twitt de Sonia Nour, la suite, je veux dire, ce « Par contre que le terrorisme patriarcal nous tue tous les deux jours on l’entend moins votre grande gueule », eh bien elle, elle n’a pas attendu l’affaire Weinstein pour rappeler que les femmes ne sont pas seulement victimes du terrorisme visible et revendiqué par des candidats au « martyr », mais qu’il existe un terrorisme plus sournois, invisible, enveloppé du silence tacite de nos sociétés, et qui tue chaque année des centaines de femmes en en esquintant quelques milliers et en fragilisant des dizaines de milliers d’autres, et de cela, le scandale Weinstein nous le rappelle très bien, personne n’en parle, même les témoins et complices dans le silence (la non-assistance à personne en danger est reconnu de poursuites par le droit français).
Un terrorisme (au sens strict du terme, un état de terreur destinée à assoir une domination) puisqu’il maintient cette terreur sourde qui pèse sur la vie des femmes et les conduit à se taire, même et surtout quand un homme se permet de les tripoter sans consentement, de les pénétrer sans consentement, de déchirer leur slip sans consentement, d’éjaculer en elle sans consentement, de les tabasser sans consentement, de les traiter de salopes sans consentement, de les laisser enceintes seules face à un avortement, et qui va jusqu’à conduire des hommes politiques, aux USA essentiellement, à dire qu’une femme violée qui tombe enceinte est consentante et que son viol est « legitime » car s’il y a réellement eu viol, alors, il n’y a pas ovulation…
Cette violence est une terreur avec laquelle les femmes vivent, consciemment ou inconsciemment, et en silence. J’ai en mémoire le témoignage de Lilly M. Ledbetter, cette femme qui pendant 19 ans a été membre du conseil d’administration de Goodyear et qui un jour a découvert qu’elle gagnait moins que les cadres qu’elle dirigeait, la dépression nerveuse qui a suivi l’humiliation car en plus, cela se savait. La plainte qu’elle a déposée est à l’origine de la loi sur l’égalité salariale de 2009.

Les femmes vivent avec ça.

Les chiens « anti-communautaristes », en se lâchant sur Sonia Nour, se sont joints à la Fachosphère, comme à leur habitude, pour dénoncer une élue qui de façon maladroite et à un moment peu adéquat, rappelait une vérité cruelle de notre société, quelque chose que nous devons changer.
Mais peut-être nos « féministes anti-communautaristes laïques républicains » (ouf…) autoproclamés défenseurs des femmes doivent-ils finalement eux aussi voir dans ces violences faites aux femmes une manifestation de la « grivoiserie » et de « l’humour à la française » si chers à la fachosphère et aux proches d’Alain Soral qui, en la matière, en connait un bon bout, « on ne peut rien dire », qu’ils disent. C’était d’ailleurs le titre d’une émission avec notre passionaria de la réaction Élisabeth Lévy il y a quelques jours.

Qu’ils se rassurent, à la tournure des débats sur l’affaire Weinstein, en France, on pourra continuer à parler comme on veut pendant longtemps sur le dos des femmes, à joindre le geste à la parole. On se contentera de punir une nana qui aura condamné les violences faites aux femmes en lui trempant le nez dans un mot malheureux écrit au mauvais moment pour que tout le pays puisse garder la tête bien dans le caca silencieux de la culture du viol.

Car ce qu’il y a eu de sidérant dans cette affaire Weinstein, et j’en arrive à « l’affaire Didier Lestrade », c’est comment elle a été freinée par un certain nombre d’éditorialistes, toujours les mêmes, nos spécialistes en « féminisme anti-communautariste laïque républicain ».
Alors que dans une de ces fantastiques réponses de la société, un de ces trucs qui illumine mon cerveau d’ancien rocardien, des femmes ont commencé à s’emparer de la question et à raconter, à libérer une parole, une souffrance, un silence, un tabou, à casser un interdit, qu’elles ont esquissé ce que peut être une véritable parole de femmes, loin du féminisme bourgeois, qu’elles ont mis au jour cette culture du viol que nous n’osons pas regarder bref, pour citer Beauvoir, alors que des femmes ont commencé à se poser en sujets et non en objets, certes modestement, et uniquement dans l’anonymat des réseaux sociaux, et sans jamais donner de noms, voilà qu’une étrange offensive a vu le jour.

Au hashtag #balancetonporc, manifestation d’une parole libérée, autonome malgré toute sa maladresse, voilà qu’a émergé le discours réactionnaire des éditorialistes habituels, les Zemmour-Finkelfraut-Elisabeth Levy and Cie, et des hommes politiques Lemaire-Castaner and Cie. Pour eux, dénoncer un violeur, c’est comme dénoncer un Juif pendant l’occupation – le site d’information Atlantico est même allé jusqu’à créer un hashtag titre #balancetonjuif.

Didier Lestrade ayant été accusé d’antisémitisme (on y arrive), j’aimerais avant d’y venir me pencher sur la sémantique du discours de nos éditorialistes et de nos politiques anti-#balancetonporc.

Un peu de sémantique

Jamais, je dis bien jamais, dans ma vie, dans mon éducation, dans mes principes, dans mes amitiés, dans mes sentiments, je n’ai assimilé un juif à un violeur, pas plus qu’à aucune autre infâmie.
Or, c’est exactement ce qu’ont fait nos éditocrates patentés, sans que cela n’indigne personne, en mettant sur un pied d’égalité la dénonciation des juifs et la dénonciations des prédateurs sexuels. S’il y a un antisémitisme à souligner, il est là. Si j’étais Juif (j’écris cela, mais comme je viens d’Algérie et que j’appartiens à une ancienne famille de Sages religieux, il est assez probable que j’aie des ancêtres Juifs, et cela attise mon imagination, peut-être ont ils vu Cordoue, peut-être ont-ils connu Bagdad, peut-être même suis-je de la tribu de mon idole biblique, Yousef-Joseph), je serai meurtri à l’écoute de ces scribouillards et de ces bavards en onde qui font l’idéologie dominante de la France réactionnaire des années Macron.

J’en serais meurtri car au delà de cette équation profondément antisémite, il y a aussi cette injonction au silence au nom de « la lutte contre l’antisémitisme ». Utiliser les victimes de la Shoah, victimes d’un silence complice des populations qui savaient, des millions d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieillards gazés pour les uns, trimballés dans des trains à bestiaux jusqu’à ce qu’ils en meurent de faim et de soif, du typhus ou d’épuisement pour les autres, sous les yeux complices des populations et de politiques, victimes des dénonciations de voisins qui se délectaient de cette germanité ou de cette francitude que des affiches et des films de propagande leur rappelaient en permanence, contre des femmes et parfois des hommes aussi, des enfants parfois, victimes de violences elles-aussi tues, niées, par le même regard complice des autres, des collègues avides d’une promotion, des voisins qui préfèrent leur tranquillité… La voilà, l’abjection.

Je ne doute au passage pas un seul instant que parmi ces femmes victimes de prédateurs à la Weinstein et à la DSK, il y avait de jeunes femmes juives, et les voilà sommées de se taire sous peine de trahir les victimes des camps de concentration. Ce n’est plus de l’abjection, on est dans l’abomination sémantique ultime, on est dans 1984, les mots sont vidés de leur sens et ne sont plus que des véhicules d’une idéologie totalitaire qui ne dit pas son nom.

Et voilà donc notre Didier Lestrade, tout Pimprenelle tout fleur qui le 17 octobre (oh, comme j’en aurais à faire, des commentaires, sur cette date, tiens) dans un train quelconque qui le conduit d’un endroit à un autre au milieu d’un de ces interminables déplacements qu’il accompli depuis des mois malgré le chômage, la maladie, la vieillesse, comme ça, pour raconter comment il a fallu faire front à une épidémie qui fauchait des jeunes principalement, beaucoup d’homosexuel-le-s, de toxicomanes, de prostitué-e-s, mais aussi de migrant-e-s en situation de grande précarité, et au delà de nos frontières, loin de notre confort ronronnant, des millions d’africain-e-s, pour transmettre une histoire dont il reste peu de survivants pour la narrer aux plus jeunes chez qui, faut-il le rappeler, le VIH fait un retour en force, porté justement pas l’ignorance de cette histoire et de la lutte qu’il a fallu porter à bout de bras, à cette époque où le grand inquisiteur de la « morale » Alain Finkelkraut se moquait d’Act-Up en un « comment peut-on manifester contre une maladie » et son éternel « regardez où on en est » au cour d’une de ses merdes radiophoniques, juste quelques années avant qu’il ne prenne la défense de son ami d’extrême-droite Renaud Camus, le théoricien du « grand remplacement », quand ce dernier s’en prenait aux « trop grand nombre de juifs sur France-Culture ».

Voilà donc Didier qui pond un twitt,

« C’est quand même drôle. Ceux qui défendent Weinstein (comme DSK avant) ont l’air d’avoir des affinités sionistes » suivi d’un emoji pensif.

Bon, oui, c’est pas futé. C’est du Twitter ©, ça vaut les photos de bites et de nichons de vos gamins de 16 ans sur Snapchat ©. Mais voilà la meute lâchée, Didier aurait tombé le masque, il serait antisémite.

Alors je vais nommer quelques « affinités sionistes » célèbres qui ont soutenu Weinstein, ou DSK, ou Polanski, ou pour le moins ont beaucoup tardé à s’en distancer.

Weinstein a arrosé la campagne de Hilary Clinton, et il est de notoriété publique que Hilary Clinton « a des affinités sionistes » assez tranchées. Mais à moins que je ne me trompe, Hilary Clinton n’est pas juive.

Weinstein a arrosé Barrack Obama, et la politique de Barack Obama n’a en aucune façon remis en cause le soutien des USA au sionisme. À moins que je ne commette une erreur, Barack Obama n’est pas juif, et son second prénom, Hussein, suggèreraient même plutôt une certaine proximité avec l’islam. C’est d’ailleurs ce que l’extrême droite américaine, a commencer par Donald Trump, a régulièrement mis en avant, vous savez, ce « certificat de naissance ». En fait, non, vous ne savez pas, vous ne lisez que des trucs français de la France de France et en français.

Donald Trump, parlons-en. Lui qui se fait une spécialité d’« attraper les femmes par la chatte » (sic) sans que cela ne l’empêche d’être élu le moins du monde (la culture du viol…) et qui pour s’excuser a affirmé que ce n’étaient que des propos de couloirs, privés (la culture du silence et du secret…), a des très fortes « affinités sionistes », soutenant non seulement le transfert de la capitale israélienne de Tel Aviv à Jérusalem mais également en s’alignant derrière les revendications de Benyamin Netanyahu concernant la Syrie et le traité avec l’Iran. Aux dernières nouvelles, Donald Trump n’était pas juif.
La liste est longue de ces personnalités non-juives pour lesquelles le sionisme offre une sorte de rédemption après des générations d’antisémitisme familial (papy Bush comme papy Ford étaient pro-nazis), à moins que comme c’est le cas des protestants ultras aux USA, il n’offre la clé de la venue de Jésus Christ, derrière le fantasme d’une guerre électro-nucléaire au Proche-Orient qui annoncerait la fin des temps, Alleluyah!

Parlons sionisme. 

Le sionisme est une idéologie politique, tout comme naguère le communisme, le libéralisme, le nazisme ou le fascisme. Le sionisme est l’idéologie de « la création d’un foyer juif » en Palestine, pour reprendre la déclaration Balfour dont on fêtera le dramatique centième anniversaire le 2 novembre prochain. Le sionisme est antérieure à la Shoah, et pour tout dire, le sionisme n’était pas très populaire parmi les juifs d’Europe qui se considéraient, à juste titre, de leur pays de naissance. Le sionisme a inventé sa propre mythologie qu’il érigé en histoire officielle. 

Rétablir cette vérité historique, comme le font d’ailleurs des historiens et des penseurs israéliens parmi lesquels Shlomo Sand, n’a rien d’antisémite.

Rosa Luxembourg, Karl Marx, Léon Trotsky, Karl Liebnecht, Annah Arendt pour ne citer qu’eux, étaient juifs, il n’étaient pas du tout sionistes. Anne Frank, dont ces jours-ci et en toute tranquilité des sites proposent un déguisement pour Halloween après avoir proposé des déguisements de zoulous et d’enfants déportés en février pour Carnaval, n’était pas sioniste, elle était allemande. Roger Hanin est né juif français par la faute du colonialisme, il est mort juif algérien, rendu à son histoire en dépit de la tentation israélienne qui a définitivement séparé le harki Enrico Macias de son pays d’origine.

Le twitt de Didier n’était pas futé, ça, d’accord, car non, les violences faites aux femmes ne sont pas seulement le fait de ceux qui ont « des affinités sionistes » (ce serait une bénédiction pour les Palestiniens, reconnaissons-le), et si les accusations envers Tariq Ramadan s’avèrent exactes, nous en auront la médiatique réalité. Et non, il n’y a pas que les défenseurs du sionisme qui défendent Weinstein ou DSK, c’est tout l’ordre patriarcal qui s’érige et fait front.

Le second twitt de Didier était d’ailleurs beaucoup plus juste, quand il associait ce silence aux puissants et aux gens riches. Là encore, la meute a immédiatement fait une association. Ils aiment travailler par association.

Me concernant, j’en ai croisés, des Juifs, ceux de la boucherie Casher de la nationale 3 à Bondy où papa allait faire semblant d’acheter de la viande pour pouvoir bavarder religion pendant des heures avec des hommes dont il appréciait la compagnie et la culture, et qu’il respectait (qu’est-ce qu’il m’a gavé, avec les enfants des bouchers Juifs que j’aurais du prendre en exemple…), Didier devenu David, au Parti Socialiste et dont j’ai été le témoin du ressourcement spirituel et identitaire, une famille modeste du 19ème arrondissement, ou le docteur qu’on allait voir quand j’étais petit, à Belleville, et qui ne se faisait pas payer, Freddie, ma plus proche amie, ma sœur en amitié, famille juive marocaine, plutôt lower middle class, ou ma copine de classe en cinquième, je me souviens de son nom de famille, Khalifa, un petit pavillon dans Bondy sud, ou ma copine des nuits parisiennes dans les 80’s, Frédérique L., une femme superbe issue d’une famille rescapée de l’horreur et qui allait de petits boulots en petits boulots…

J’avoue, de par mon expérience, je n’associe pas du tout le judaïsme à l’argent. Il y a des Juifs très riches, bien sûr.

Il y a aussi des catholiques, comme la famille Wendel-Seillières dont le « respectable » ancêtre a pillé Alger en 1830, fait fouiller les tombes des cimetières de la ville pour en prendre tout l’or à son seul profit avant de vendre les ossements pour servir de combustible à faire du sucre. Il y a les De Margerie et autres Taittinger qui émargent aux conseils d’administration des grandes sociétés françaises depuis deux cent ans et dont certains ont financé des groupes d’extrême droite dans les années 30. Il y a Eugene Schuller, le fondateur de L’oréal et pere de Liliane Bettencourt, il y a l’élégante et très riche madame Chanel qui était antisémite avérée et pro-nazi. Il y a le Crédit Lyonnais qui a subventionné et financé le Zyklon B…

En revanche, toujours, oui, les puissants, les riches, couvrent les agissements des puissants et des riches. C’est pas une question de religion, c’est une question de classe sociale et de domination. De distinction. Le « troussage de domestique », une broutille, comme disait Jean-François Kahn au moment de l’affaire DSK.

Maintenant, oui, il y a un rapport entre le sionisme et les puissants, car pour parvenir à avancer leur agenda, les quelques intellectuels juifs et riches familles juives européennes défenseurs du sionisme ont dès le 19ème siècle décidé de « fusionner » leurs intérêts avec ceux des grandes familles riches d’occident, celles là même qui durant des siècles les avaient pourtant régulièrement poursuivies et ruinées (Le marchand de Venise, William Shakespeare) quand elles ne les utilisaient pas à des fins de prête-noms dans les opérations financières que les règles de l’aristocratie leur interdisaient.

Les « financières Juifs », loin d’être les suceurs de la richesse de l’Europe que l’extrême droite depuis plus de cent ans se plaît à décrire, n’étaient en réalité bien souvent que le paravent du pillage du monde auxquels nos aristocrates et nos monarques ainsi que nos marchands bien chrétiens se livraient aux quatre coins du monde.

Au 19ème siècle l’accès à la respectabilité de quelques uns d’entre eux, et parmi eux la plus célèbre et iconique famille Rothschild notamment, a changé la donne et ces quelques familles ont tenté d’influer le cours des choses dans le but, notamment, d’améliorer la situation des Juifs d’Europe, qui était à beaucoup d’égards encore catastrophique, entre ghettos, lois anti-juives et pogroms dans la majeure partie de l’Europe.

Le sionisme s’est greffé sur cette évolution comme une idéologie nationaliste d’un genre particulier, sorte de nationalisme entremêlé de colonialisme puisqu’il s’agit d’annexer une portion de terre détenue par d’autres dans le but de protéger une minorité opprimée. On connaît le suite.

Le sionisme est un nationalisme colonialiste. Point barre.

Ce n’est pas une religion, et son histoire a souvent été contradictoire avec la réalité du judaïsme. C’est un nationalisme blanc, bourgeois, ouest-européen, et la condition déplorable faite aux Juifs non-blancs lors de leur migration en Israel et en contraste l’accueil à bras ouverts de russes à la judéité parfois douteuse dans les années 90, sont là pour le rappeler.

Le sionisme a sonné la mort par le mépris des cultures Yiddish et Séfarades. Le sionisme est un regard méprisant sur l’incroyable variété, l’incroyable richesse culturelle d’une diaspora forgée par l’histoire. Il a fallu attendre 2017 pour qu’un grand parti politique israélien, le Parti Travailliste, nomme un séfarade à sa tête, et pourtant les séfarades représentent la première communauté d’Israël. Trop arabes, trop d’huile d’olive et de henné sur les doigts…

Oui, on peut être révulsé par une telle idéologie, en mesurer les conséquences sur la géopolitique d’une région entière, sur le déracinement de plus de cinq millions de palestiniens réduits à l’exil après une guerre d’épuration sans être un bâtard antisémite. Et on peut constater comment l’agenda néo-colonial des grandes puissances impérialistes, les USA, le Royaume-Uni, la France, s’accommode fort bien de la présence au Proche-Orient d’un état qui a décidé de mêler ses intérêts aux intérêts de cet impérialisme.

Les riches, les puissants et les politiques qui les confortent dans leur pouvoir ont que faire du judaïsme, des Juifs voire même des crimes commis contre les Juifs quand ceux-ci nuisent à leur propre intérêt, mais en revanche leur soutien à un état qui est devenu leur tête de pont dans la région est indéfectible. C’est peut-être cela qui gêne le plus Netanyahu dans l’accord avec l’Iran, car l’Iran a vocation à devenir une puissance alternative dans la région, à la frontière avec la Russie, une puissance qui libérerait les USA d’un face-à-face unique avec Israel. Un rôle que jamais la théocratie nouveau-riche saoudienne ne pourra remplir, ce qui explique les efforts permanents d’Israel de rapprochement avec la dictature saoudienne, et cela bien que ce soit elle la véritable responsable de l’incroyablement acculturation obscurantiste qui s’est propagée depuis les années 60 avec l’aval des USA dans le but de briser le panarabisme.

Les riches, les puissants, auront toujours des « affinités sionistes » parce qu’Israel leur offre sur un plateau un pied dans une région riche en hydrocarbures. Et ces riches, ces puissants, couvriront toujours de silence les agissements de leurs semblables, que ce soit leur fraude fiscale, les viols et les bombardements par drônes ou bombes au phosphore.

Les riches et les puissants détournent leurs yeux de l’enfermement et des exécutions arbitraires de dizaines de milliers d’Égyptiens ou de la criminalisation de l’homosexualité dans l’Egypte du général Sissi dont ils ont favorisé le coup d’état « au nom de la laïcité » contre « l’obscurantisme des Frères musulmans », quand en réalité le seul reproche qu’ils avaient contre le président démocratiquement élu Mohammed Morsi était d’être trop proche du Hamas, en guerre contre Israel. Qu’importe si depuis les prisons sont pleines, les contrats de commande d’armements sont remplis.

Les riches et les puissants détournent les yeux du Yemen où une coalition emmenée par l’Arabie Saoudite a créé un désastre humanitaire sous prétexte de lutte contre des factions « pro-iraniennes » séparatistes Chiites. Qu’importe, puisque c’est par dizaines de milliards d’euros que nos carnets de commande d’armement sont pleins. Qu’importe si un peu partout dans le monde, ce sont des livres imprimés en Arabie Saoudite qui transmettent une vision réductrice de l’Islam, desséchée et remplie de monstruosité sur les Juifs et les Chrétiens. Qu’importe, pourvu qu’ils gagnent de l’argent et que le pétrole coule à flot.

Elisabeth Badinter, quand elle ne crache pas des monstruosités sur de pauvres femmes portant le voile, se montre moins regardante quand le groupe Publicis, où elle siège au conseil d’administration, travaille à refaire l’image de l’Arabie Saoudite auprès de l’opinion.

Alors. Didier est un mec à bout, fatigué.

Toujours il a su répondre présent.
Je ne pardonnerai jamais, je dis bien jamais, aux chiens, et derrière eux à la meute vulgaire qui a osé en faire une sorte de Dieudonné (avec qui dialogue Élisabeth Levy), une sorte de Soral (avec qui dialogue Éric Zemmour, le défenseur de la politique de Vichy)), une sorte de Renaud Camus (un ami d’Alain Finkelkraut).
Didier s’est piégé à la réduction du monde des réseaux sociaux, tout comme d’autre avant lui et parmi eux un bon nombre de cette meute lâchée après lui.

Une meute qui ne mesure même pas à quel point elle peut être pathétique à voir, car elle ne mesure pas, chez les chiens dont elle a suivi le nonosse, les arrières pensées, les calculs et l’excitation à pouvoir enfin abattre après l’avoir mis au sol professionnellement un des militants et un des intellectuels le plus brillant, le plus intelligent et le plus original. Une meute qui bien entendu suivra les chiens quand ils décrèteront, le jour de ses obsèques, que vraiment, oui, Didier était un très grand homme.

Vous en êtes arrivés au stade où vous videz les mots de leur sens, où vous suivez ceux qui vous contrôlent et remplissent le réel de leurs propres fantaisies.
Vous prenez peur soudain quand vous vous apercevez qu’aux USA les masses ont voté pour un type (qui au passage est certainement le président ayant le plus d’ « affinités sionistes » de toute l’histoire des USA, et cela bien qu’il soit très proche de théoriciens antisémites…) qui nage dans les « fake news » quand vous même vous vous laissez piéger dans une langue parallèle où les mots n’ont pas le sens qu’ils ont mais le sens qu’ils sont supposés avoir « quand on gratte derrière parce qu’on sait ce que ça veut dire quand quelqu’un écrit ça ». Vous accusez un homme d’un crime grave, vous le mêlez à ces salopards qui rigolent des convois de déportés, et pire que tout, vous vous gaussez de ses excuses, comme s’il avait à s’excuser d’un crime qu’il n’a même pas commis, un crime abject, c’est si bon, trainer un homme dans la boue.

Quand Marine Le Pen, Wauquiez et Philippot en 2022 pointeront le bout de leur nez à la tête d’une coalition identitaire républicaine et laïque développant certainement de profondes « affinités sionistes » comme à peu près tous les mouvements d’extrême-droite nouvelle sauce en Europe, et dont vous aurez finalement assez bien fourni les contours idéologiques sous les yeux émerveillés d’Elisabeth Levy, d’Alain Soral et d’Eric Zemmour enfin réunis, et que vous aurez fatigué, sali, usé, enfermé, bâillonné toutes celles et tous ceux qui depuis des années travaillent à faire émerger des débats à même de refonder notre démocratie, vous serez seuls, il n’y aura plus de vigie, il n’y aura plus leur voix et vous pourrez toujours crier à l’aide après ces chiens qui vous manipulent et qui en seront à mendier leurs places aux nouveaux princes comme ils savent si bien le faire, il n’y aura que vous face à ces crimes que vous commettez à bout de clics et à force de clavier, quel courage!, il n’y aura que votre solitude et, comme en 1940 pour ceux qui vous ont précédés, que le miroir de votre propre lâcheté.

Le Billet de Didier, ses « excuses », sur son blog.


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